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Sémiotique sociale du dispositif Facebook en contexte pédagogique
Nolwenn Trehondart  1@  , Alexandra Saemmer  2@  
1 : Centre de Recherche sur les Médiations  (Crem)  -  Site web
Université de Lorraine : EA3476
2 : CEMTI
CEMTI
université paris 8 -  France

L'introduction de l'éducation aux médias et à l'information à l'école oblige à repenser les méthodes d'enseignement afin de favoriser le développement d'une litératie numérique chez les apprenants. Selon les textes officiels, « il s'agit de faire accéder les élèves à une compréhension des médias, des réseaux et des phénomènes informationnels dans toutes leurs dimensions : économique, sociétale, technique, éthique. »

À ce titre, étudier en classe un média social tel que Facebook impose de s'intéresser à la fois aux pratiques, imaginaires et représentations des élèves sur le numérique, aux discours d'accompagnement (à travers les idéologies de la vitesse, du progrès, de l'encapacitation...), aux stratégies économiques et industrielles des constructeurs de plateformes, et à la manière dont celles-ci s'incarnent de manière visible et perceptible dans le design des interfaces, ou agissent en profondeur sur les pratiques à travers les couches invisibles des algorithmes (comme dans Edgerank).

Depuis plusieurs années, nous avons engagé un chantier de réflexion méthodologique appelée « sémiotique sociale », visant à promouvoir en contexte pédagogique l'émergence d'une culture critique du design numérique. Celle-ci souhaite agir dans le cadre de l'éducation critique aux médias et à l'information en contexte numérique. La méthodologie imbrique étroitement l'étude des perceptions et interprétations préférentielles sondées auprès de communautés interprétatives et l'analyse de l'articulation des signes (textes, images, vidéos, unités éditoriales, émoticons...) dans des productions culturelles, ancrées dans leur dispositif socio-technique (ordinateur, tablette, smartphone). Pour cela, nous menons in situ avec les enquêtés une réflexion partagée sur leurs représentations, horizons d'attente, habitude et allants de soi sur les représentations et pratiques des dispositifs numériques. Pragmaticiennes, nous adhérons, en effet, à l'idée que les frontières matérielles des signes ne sont jamais accessibles « telles quelles », car le récepteur les perçoit et les interprète toujours à travers le prisme de représentations largement partagées dans la société. Celles-ci peuvent prendre la forme d'allants-de-soi qui sont ensuite relancés ou défiés par les caractéristiques matérielles d'une production culturelle, qui, à son tour, incarne un certain nombre de stratégies de communication. 

Partant du constat largement confirmé par plusieurs études empiriques ces dernières années selon lequel les pratiques informationnelles des apprenants prennent de plus en plus appui sur des plateformes sociales, nous proposons comme objet d'étude la plateforme Facebook. Nous avons mis en œuvre cette méthodologie de sémiotique sociale en contexte pédagogique, dans l'objectif d'engager chez les apprenants une démarche réflexive fondée à la fois sur la reconnaissance et l'identification des frontières matérielles que le dispositif impose à leurs pratiques, à travers son design éditorial, ses « architextes » (Jeanneret/Souchier), des cadres d'énonciation préformatés engageant une normalisation et une rationalisation des usages, mais suscitant également des pratiques de bricolage et de détournement.

Deux terrains ont été investis selon un même protocole d'enquête, celui des étudiants du master Industries culturelles et créatives à l'université Paris 8 (16 étudiants) qui se destinent aux métiers de l'audiovisuel, et celui des étudiants en Master 2 MEEF Doc de l'ESPE de Lorraine (15 étudiants), qui, selon le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation du 1-7-2013, sont les « enseignants et maîtres d'œuvre de l'acquisition par tous les élèves d'une culture de l'information et des médias. »

Il s'agissait à travers cette expérience de prolonger et de formaliser sur le terrain pédagogique notre méthodologie de sémiotique sociale déjà testée sur le terrain des pratiques culturelles, tout en sensibilisant les étudiants aux usages du dispositif Facebook : l'enjeu était de les aider à prendre conscience non seulement du rôle joué par les représentations et normes d'attente dans les pratiques et tactiques de communication et information qu'ils mettent en place, mais aussi de celui joué par les formats contraints d'écriture du dispositif à travers ses « prescriptions d'usage ». Dans le cadre d'une éducation critique aux médias, ces expériences nous permettent d'engager une réflexion sensible, incorporée, sur les stratégies du dispositif, et les marges de manœuvre laissées à l'utilisateur.

Cette communication, qui s'insère dans l'axe « Enjeux » du colloque, se propose donc de restituer les premiers résultats de ce terrain de recherche-action et contribuer, de la sorte, à une réflexion critique aux usages du numérique en contexte pédagogique

Tréhondart N. & Saemmer A. (dir.) (2017). Livres d'art numériques : de la conception à la réception, Hermann.

Pinède N. & Lespinet N. (2017). Le rôle du partage dans les pratiques numériques des lycéens. In Liquète V., Soumagnac K. (dir.), Les affiliations par et avec le numérique, Paris, Hermann, 123-138.

Saemmer A. (2017). Interpréter l'hyperlien en contexte pédagogique : éléments d'une sémiotique sociale, Le Français Aujourd'hui, 196, 25-34.

Foucault M. (1994). Dits et écrits III, [1976-1979], Paris : Gallimard.

Jeanneret Y. & Souchier E. (2005). L'énonciation éditoriale dans les écrits d'écran, Communication et langages, 145, 3-15.


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