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Quelle représentation du handicap dans les recherches sur ou avec des TICE ?
Mélissa Arneton  1@  , Mathieu Muratet  2@  
1 : Grhapes / INS HEA  (Groupe de recherche sur le handicap, l'accessibilité et les pratiques éducatives et scolaires / INS HEA)  -  Site web
Institut national supérieur le handicap et les enseignements adaptés
2 : LIP6 UMR 7606 (Sorbonne Universités, UPMC Paris 6, CNRS)  (Laboratoire d'informatique de Paris 6)
UPMC et CNRS

Le discours politique français promeut le développement d'une école numérique en vue de l'accessibilité des savoirs à tous les élèves. Or l'utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC) par un élève en situation de handicap peut contribuer à interroger autrement les dimensions d'apprentissage prises en compte. Les trois objets constituant ce phénomène (école, situation de handicap, usages des TIC) ont certes fait l'objet d'analyses conceptuelles, lorsqu'ils sont pris deux à deux (eg. Bonjour & Meyer, 2011 ; Cerisier, 2012 ; Cerqui & Arras, 2005; Levoin, 2017), mais les travaux reliant les trois objets simultanément sont plus rares. Que véhiculent les discours scientifiques concernant l'enseignement à des élèves en situation de handicap au moyen des TIC ? Quelles sont les représentations des chercheurs travaillant sur ces thématiques ? Peut-on observer des différences de représentations selon leurs orientations disciplinaires ou selon les caractéristiques scolaires du terrain d'étude (élève en situation de handicap en inclusion individuelle / en ULIS / en établissement éducatif spécialisé...) ?

Dans une orientation issue des sciences studies, l'analyse présentée ici étudie l'épistémé scientifique concernant les TIC utilisées par des élèves soit considérés comme les autres apprenants soit considérés comme ayant des besoins éducatifs particuliers. L'étude porte sur les années suivant l'annonce relative à l'école numérique en 2013 par le ministère français de l'éducation nationale. Afin d'éclaircir les enjeux normatifs des positionnements des chercheurs, deux investigations sont menées : la première interroge leurs représentations à travers des exemples de productions scientifiques, la seconde revient sur les négociations et les constructions de sens dans le cadre de la rédaction de recherches de financement par des équipes pluridisciplinaires.

La première étude se base sur l'analyse d'actes de colloques et d'articles publiés dans des revues de référence concernant le numérique en éducation. Utiliser des textes publiés suite à un processus de peer-reviewing permet indirectement de savoir ce que la communauté scientifique considère comme relevant de son champ et comme intéressant à un moment donné. Les actes de colloque permettent d'envisager trois manières de croiser les thèmes de recherche (école et handicap / technologies et handicap / éducation et EIAH). Les résultats indiquent qu'il y a une diversité des fonctions assignées aux technologies numériques et une diversité des cadres de références théoriques convoqués. Différentes argumentations coexistent concernant l'intérêt de mener des recherches à l'intersection des trois : obligation éthique, opportunité d'ouvrir un nouveau marché, possibilité de dépasser les frontières de la connaissance... Pour étudier la science en train de se faire, la seconde étude se base sur des observations participantes des échanges, des réunions et des étapes de rédaction de soumissions de projets de recherche collaborative à l'agence nationale de la recherche durant l'étape de présélection et l'étape de soumission finale ainsi qu'à l'appel E-Fran. Les résultats de l'analyse compréhensive rendent compte de représentations différentes concernant les outils numériques et les besoins éducatifs particuliers. Bien que les projets de recherche élaborés n'aient pas obtenu de financements, une acculturation mutuelle aux positionnements épistémologiques des uns et des autres est réalisée pour certains chercheurs. Un engagement commun de rendre accessible de manière équitable les apprentissages au moyen des outils numériques est identifiable, même si pour certains, il s'agit d'un élément introductif à la recherche et pour d'autres de son objet. La place dévolue aux enseignants dans les projets amène à interroger leur rôle dans la recherche (prescripteur, partenaire) en plus de leur rôle majeur de médiation concernant les TIC (Papadoudi-Ros, 2014).

La conclusion met en perspective les deux études et dégage la nécessité pour les chercheurs, d'identifier et de construire de manière inter ou transdisciplinaire les trois objets (école, situation de handicap, TIC) à prendre en compte dans les situations spécifiques d'enseignement-apprentissage rencontrées par les élèves à besoins particuliers. La discussion revient quant à elle sur la dimension collaborative et participative des recherches sur le numérique en éducation et sur l'importance de la prise en compte des sous-cultures professionnelles enseignantes concernant le handicap et les besoins éducatifs particuliers.

Bonjour, A. & Meyer, V. (2011). TIC et prise en charge des personnes handicapées mentales, Communication et organisation, 39, 213-228.

Cerisier, J.-F. (2012). La culture numérique dans le champ de l'éducation, quelques références bibliographiques, Distances et médiations des savoirs, 1. Consultable sur http://dms.revues.org/163

Cerqui, D. & Arras, K. (2005). Do we want to share our lives and bodies with robots, Rapport technique numéro 0605-001, Lausanne, Autonomous Systems Lab, Swiss Federal Institute of Technology Lausanne. 42 p, 2005.

Xavier Levoin, X. (2017). Numérique éducatif et interdiscursivité : comment la circulation de mots d'ordre contribue à la mobilisation des acteurs, Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], 19, mis en ligne le 15 octobre 2017, consulté le 15 octobre 2017. URL : http://aad.revues.org/2412

Papadoudi-Ros, H. (2014). Le statut didactique des TIC, les enseignants et la médiation technique, Frantice.net, 8, 87-99.


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