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La recherche-design pour soutenir l'innovation didactique fondée sur les usages numériques multimodaux des jeunes
Nathalie Lacelle  1@  , Virginie Martel, Jean-François Boutin  2@  
1 : Chaire de recherche UQAM en littératie médiatique multimodale  -  Site web
2 : Université du Québec à Rimouski (campus Lévis)  (UQAR (Lévis))  -  Site web
Lévis, Québec -  Canada

Le numérique constitue désormais un incontournable des pratiques de littératie extrascolaire des jeunes (Lebrun et al., 2012; Penloup et Joannidès, 2014; Perret et Massart-Laluc, 2013), de même que des pratiques de création artistique informelles (Richard, 2012; Richard, Lacelle, Faucher et Lieutier, 2015). De façon davantage intuitive et pragmatique que formelle, les apprenants d'aujourd'hui semblent avoir intégré des manières novatrices de communiquer en société sur de multiples réseaux en toute ubiquité (Rowsell, 2013), en combinant diverses modalités sémiotiques. Comment expliquer cette situation? Des réponses proviennent, nous semble-t-il, de trois directions: des paradigmes de la cybernétique, du connectivisme et de la sémiotique sociale.

Notre recherche s'intéresse plus précisément aux compétences en littératie médiatique multimodale appliquée en contexte numérique pour former les apprenants à la recherche documentaire et à la création artistique. Elle vise l'élaboration de designs didactiques qui tiennent compte des ressources numériques multimodales mobilisées, et de leurs usages, par les élèves dans divers contextes pour réaliser des tâches scolaires. D'un point de vue épistémologique, la présente recherche s'inscrit dans la mouvance sociale en sémiotique (Halliday, 1987; Kress, 2003; Van Leeuwen, 2005) et de la recherche sur la multimodalité (Kress, 1997 et 2010; Kress et Van Leeuwen, 2006; Lacelle, Lebrun et Boutin, 2012 et 2013; Jewitt, Bezemer et OHalloran, 2016; Bezemer et Kress, 2016; Lacelle, Boutin et Lebrun, 2017). L'essor technologique actuel contribue à décloisonner la pratique concrète de la sémiotique, comme on le voit chez les jeunes générations, qui mobilisent aisément une variété toujours grandissante de ressources sémiotiques, qu'elles soient d'origine textuelle, visuelle, sonore ou cinétique, afin de repousser les limites traditionnellement associées au statut privilégié de langage (Siegel, 2012). Dans cette foulée, elle interpelle des fondements conceptuels propres à la cybernétique contemporaine (Lafontaine, 2005; Wiener, 2014) ainsi qu'à la théorie émergente de l'apprentissage connecté (Siemens, 2005; Downes, 2008, Ito et al., 2012).

Méthodologiquement parlant, le présent projet déploie une approche novatrice: la recherche-design (Basque, 2015; Boutin et Lacelle, 2017). À mi chemin, en quelque sorte, entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée (Lacelle, Boutin et Lebrun, 2017), la recherche-design a pour objectif général de tenter de réduire l'écart appréhendé et/ou avéré entre les pratiques enseignantes et les théories didactiques, psychopédagogiques, etc. (Anderson et Shattuck, 2012; Basque 2015). S'inspirant aussi bien de données sociologiques, ethnographiques que de théories nouvelles, la recherche-design comble par ailleurs un besoin d'ancrages conceptuels et contextuels propre aux innovations éducatives très souvent associées à l'usage des technologies numériques. Afin de mieux cerner des problèmes complexes toujours issus de pratiques scolaires (Juuti et Lavonen, 2006; Lalonde, Carlos et Pariser, 2016), cette approche méthodologique recourt simultanément 1) à des savoirs épistémologiques reconnus et 2) au design et à l'innovation en vue de leur éventuelle résolution pragmatique. La recherche-design est enracinée dans la technologie éducationnelle et la collaboration chercheurs-enseignants qui, ensemble, mettent au point des expériences d'apprentissage (phase design) et en étudient ensuite l'impact auprès des apprenants (étapes d'implantation et d'évaluation) dans des contextes authentiques (Collins, Beranek et Newman 2004) s'appuyant sur des ancrages théoriques solides (Class et Schneider, 2013).

L'intention de notre communication est de présenter la manière dont la recherche-design encadre l'innovation en éducation et plus particulièrement nos objectifs de recherche qui visent la production de savoirs ethnographiques, didactiques et théoriques. Nous discuterons du choix de nos outils de collecte et d'analyse de données pour soutenir l'innovation didactique fondée sur les usages des ressources numériques multimodales des jeunes pour réaliser une recherche documentaire et une création artistique dans différents contextes. Deux terrains de recherche sont envisagés, soit l'observation des pratiques numériques de jeunes du primaire en contexte d'accès à des ressources communes à la Bibliothèque et archives nationales du Québec (BAnQ) et la documentation de pratiques scolaires et extrascolaires d'adolescents en situation de réalisation d'une tâche scolaire. Nous souhaitons faire ressortir la manière dont les savoirs sur les usages des ressources numériques multimodales peuvent servir de fondement à l'élaboration de designs didactiques novateurs et contribuer à la théorisation des compétences en littératie médiatique multimodale. 

Anderson, T. et Shattuck, J.(2012). Design-Based Research: A Decade of Progress in Education Research? Educational Researcher, vol. 41 (1), 16-25.

Class, B. et Schneider, D. (2013). La recherche design en éducation : vers une nouvelle approche ? Frantice.net, 7. http://www.frantice.net/docannexe/fichier/826/4.Class.pdf

Kress, G. (2010). Multimodality : A Social Semiotic Approach to Contemporary Communication, New York : Routledge.

Rowsell, J. (2013). Working with Multimodality : Rethinking Literacy in a Digital Age. Londres : Routledge.

Siegel, M. (2012). New Times for Multimodality? Confronting the Accountability Culture. Journal of Adolescent & Adult Literacy, 55(8), 671-680.


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