Cette recherche a pour objet d'étude la construction de l'expérience de professeurs des écoles (PE) dans le cadre d'une formation hybride (M@gistère), alternant moments en présentiel et à distance. Ce type d'environnement de formation initié par l'institution depuis 2013 dans le prolongement et la généralisation des usages du numérique provoque chez les PE des phénomènes de résistances qui semblent altérer souvent sa portée. Si ces derniers se connectent peu à la plateforme, on observe néanmoins que des parcours imposés sont consultés par ceux qui déclarent par la suite modifier leur pratique de classe.
Ce travail de recherche est orienté par deux préoccupations. La première, de nature empirique, vise à produire des connaissances à propos de la construction de l'expérience des enseignants au sein des parcours dans le cadre de formations hybrides. Elle s'attache à caractériser plus particulièrement les apprentissages générés en cours de formation. La seconde, de nature pragmatique, vise à mettre ces connaissances au service du soutien à la conception d'une offre de formation mieux adaptée aux attentes et besoins des enseignants. Cette démarche s'inscrit dans la lignée des travaux qui ont pour but d'articuler recherche empirique centrée sur l'analyse de l'activité et programme praxéologique de formation pour comprendre l'activité humaine et la transformer (Guérin, Péoc'h, Zeitler, 2011).
Je m'inscris également dans une approche enactive (Varela, 1989) et adopte des outils théoriques et méthodologiques du cours d'action (Theureau, 2006, 2015). Ces derniers permettront dans un premier temps de documenter l'activité des formés tant lors des phases en présentiel que lors des phases « à distance », puis d'en rechercher les formes typiques. Il s'agira aussi de délimiter ce qui fait « dispositif » pour les acteurs en recourant au cadre conceptuel de l'approche sociotechnique (Albero, 2010) afin notamment de mesurer le décalage entre les intentions de formation et l'expérience vécue par les enseignants lors de ces moments de formation.
Cette recherche s'oriente donc vers une quête d'intelligibilité des processus (du point de vue des acteurs) et des procédures (analyse de l'environnement de formation) favorisant la participation des enseignants aux formations hybrides de type M@gistère dans la perspective d'optimiser l'impact de ces dispositifs.
Dans un premier temps, l'activité des PE a été appréhendée à partir de questionnaires interrogeant les discours portés sur la formation continue et plus particulièrement sur l'introduction de la plateforme M@gistère. Ce questionnaire cherchait à recueillir leurs avis des enseignants tant sur les contenus proposés par la plateforme que sur les modalités de participation qu'elle implique. Lors de cette étape les PE ont été invités à documenter leur parcours professionnel et leur activité dans le cadre de cet espace. Cette enquête laisse apparaître des manières d'agir aussi variées que contrastées au sein de ce nouvel environnement de formation. Celles-ci vont d'une instrumentation de la plateforme pour répondre de manière formelle à la prescription institutionnelle à une activité d'enquête (exploration, décision, investissement) visant à transformer effectivement la pratique de la classe.
Dans la perspective d'accès à l'intelligibilité d'une activité « profitable » j'ai, dans un second temps, limité mon terrain de recherche aux enseignants dont le couplage à l'environnement de formation était prometteur. Mon suivi a donc porté sur des PE ayant déclaré une activité effective et significative sur les parcours, activité couplée à une réflexion relative à la transformation de leur pratique professionnelle. La construction des matériaux empiriques a été organisée par le biais de carnets de bord que les participants devaient renseigner. Plus précisément chaque participant était invité à noter ses ressentis lors de ces expériences. Qu'il s'agisse de jugements, de sentiments, d'émotions, l'expression de ces ressentis vise à positionner la recherche au plus près de la subjectivité des participants. Ces notes ont servi de support aux entretiens de remise en situation visant à documenter les significations relatives à la construction du cours d'expérience du participant. Le traitement des données s'est inspiré de la théorie ancrée (Strauss, 1992) et du cadre sémiologique formalisé par Theureau (2006).
Les premiers résultats mettent en évidence a) plusieurs modes d'engagement et configuration d'activité (découvrir les parcours, rechercher une ressource pour résoudre une difficulté professionnelle, etc.) b) l'incidence des extraits de film et des témoignages sur la construction de l'expérience en formation ; b) une orientation de l'activité guidée par la recherche de savoirs pour l'action dont la pertinence est jugée en termes de capacité à transformer leurs situations professionnelles.
Albero, B. (2010). Une approche sociotechnique des environnements de formation : Rationalités, modèles et principes d'action. Education & Didactique (4).
Durand, M. (2008). Un programme de recherche technologique en formation des adultes. Éducation et didactique, 2(3), 97-121.
Guérin, J. (2012). Activité collective et apprentissage : de l'ergonomie à l'écologie des situations de formation. Paris : L'Harmattan.
Theureau, J. (2006). Le cours d'action : méthode développée. Toulouse : Octares éditions.
Varela, F. (1989). Autonomie et connaissance, Seuil.