Cette communication s'inscrit dans une approche partiellement sociocritique du numérique en éducation en cela qu'elle s'intéresse aux discours sur le numérique, aux diverses représentations en présence et surtout aux tensions qui peuvent émerger entre le discours potentiellement dominant des décideurs et celui des enseignants. Elle s'inscrit ainsi dans l'axe « enjeux » du colloque touchant aux régimes d'appropriation et d'imposition et permettra d'analyser dans une situation spécifique les réseaux de significations et de tensions qui se (co-)construisent autour de l'usage du numérique.
Les imaginaires, considérés une « une fiction associée à, ou accompagnatrice de, la technique (qui l'éclaire et la complète), voire constitutive de son essence en tant que techno-imaginaire », jouent un rôle essentiel dans les processus d'appropriation et d'injonction voire imposition des technologies dans le monde en général (Flichy, 2012; Musso, 2009; Scardigli, 1989) et le monde de l'éducation en particulier (Collin, Guichon et Ntébutsé, 2015; Selwyn, 2010, 2015). Qu'il s'agisse d'utopies, d'idéologies ou de mythologies (Flichy, 2012), elles accompagnent toute introduction des technologies. Musso (2003), se référant à Flichy, rappelle la diversité des imaginaires en présence quand il s'agit des technologies numériques : imaginaires des concepteurs, imaginaires des organisations publiques, imaginaires des littérateurs côtoient les imaginaires de utilisateurs.
Dans le monde de l'éducation, les décideurs et les enseignants, chacun aborde en effet la question de l'utilisation du numérique en éducation au travers du prisme de ses imaginaires. Ceux-ci ont alors une influence importante sur l'attitude face au numérique et la volonté ou non de s'en approprier les affordances.
Notre action de recherche va s'intéresser aux représentations du numérique chez les décideurs et des enseignants d'un institut français situé en Europe. Nous nous fonderons sur des entretiens semi-directifs menés, dans le cadre d'une recherche doctorale, auprès de cinq décideurs (potentiels) : deux directeurs des cours, directeur de l'institution, conseiller culturel, attachée de coopération éducative et de cinq enseignants. Le corpus, constitué des transcriptions des entretiens, fera l'objet d'une analyse thématique et de contenus visant à faire émerger les enjeux notamment didactiques/pédagogiques et économiques et les représentations en présence. Nous mettrons en regard les représentations des décideurs et celles des enseignants afin de montrer les points de convergence et les lignes de tension lorsque les enjeux et/ou les représentations divergent.
Collin, S., Guichon, N. et Ntébutsé, J. G. (2015). Une approche sociocritique des usages numériques en éducation. Sticef, 22.
Flichy, P. (2012). L'imaginaire d'Internet. Paris : La découverte.
Musso, P. (2009). Usages et imaginaires des TIC: la friction des fictions. In C. Licoppe (dir.), L'évolution des cultures numériques. Paris : FYP Éditions, 201‑210.
Scardigli, V. (1989). Nouvelles technologies : l'imaginaire du progrès. Dans A. Gras et S. Soirot-Delpech (dir.), L'imaginaire des techniques de pointe. Au doigt et à l'oeil. Paris : L'Harmattan, 97‑114.
Selwyn, N. (2010). Looking beyond learning: notes towards the critical study of educational technology. Journal of Computer Assisted Learning, 26, 65‑73.
Selwyn, N. (2015). Technology and Education—Why It's Crucial to be Critical. Dans S. Bulfin, N. F. Johnson et C. Bigum (dir.), Critical Perspectives on Technology and Education. Palgrave Macmillan US, 245‑255.