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L'apprentissage informel à l'ère numérique chez les élèves du secondaire : quelle légitimation par les acteurs scolaires?
Jean Gabin Ntebutse  1@  , Charles Bourgeois  2, 3@  
1 : Professeur agrégé, Université de Sherbrooke  -  Site web
2 : Étudiant à la maitrise en sciences de l'éducation
Université de Sherbrooke -  Canada
3 : Université de Sherbrooke

La vie quotidienne des jeunes fréquentant les écoles secondaires est fortement imprégnée des usages numériques à telle enseigne qu'on parle de développement d'une culture numérique (Fluckiger, 2008). Diverses appellations, quoique critiquables parce qu'insinuant des blocs monolithiques, sont utilisées pour les désigner : digital natives (Prensky, 2001), digital youth (Ito et al., 2010), Petite poucette (Serre, 2012), App génération (Gardner et Davis,2013) etc. On reconnait de plus en plus que ces jeunes utilisent des technologies numériques qui brouillent les frontières classiques entre la maison, l'école et les loisirs (UNESCO, 2011; Furlong et Davis, 2012). Si les jeunes ont plus d'opportunités d'utiliser ces technologies en dehors des salles de classes, l'apprentissage informel qu'elles permettent ne reçoit pas toujours la légitimité de la part des autres acteurs du milieu scolaire (Khaddage et al., 2016). Selon Poyet (2014, p.17), « les pratiques formelles scolaires, comme leur nom l'indique, sont guidées par la forme qui les organise et les contraint selon un modèle basé sur du prescriptif ou du descriptif. » Ainsi, la forme scolaire n'est pas en phase avec le rapport des jeunes au numérique qui est avant tout forgé en contexte extrascolaire. Si les acteurs scolaires ne considèrent pas l'apprentissage informel induit par les usages numériques extrascolaires, ceux-ci continueront malgré tout à influencer le rapport au numérique des jeunes (Collin, 2017). Comme les finalités divergent entre les milieux scolaire et extrascolaire, des chercheurs notent un écart entre l'engagement des jeunes dans des activités mobilisant le numérique à l'école et celui à la maison parce que leur rapport ne les prédispose pas à un usage formel du numérique (Clark, Logan, Luckin, Mee et Oliver, 2010). Ce contexte amène des résultats mitigés concernant l'emploi des technologies à l'école (OCDE, 2015). En effet, Khaddage, Müller et Flintoff (2016) croient que le manque de considération de l'apprentissage informel comme composante visible et valorisée du système éducatif constitue l'une des raisons expliquant les difficultés d'implantation d'une pédagogie incluant le numérique. D'autres auteurs soulignent les difficultés liées même à la conceptualisation traditionnelle des apprentissages formels et informels où on se rend compte que les définitions attribuées à ces deux types d'apprentissages sont davantage contrastées et mutuellement exclusives plutôt que de se situer sur un continuum. Cette opposition rend plus facile la catégorisation des apprentissages mais ne représente plus la réalité d'une continuité rendue possible par la prolifération des technologies numériques mobiles prisée par les adolescents (Deng, Connelly, et Lau, 2016) qui leur permettent de réaliser des apprentissages en tout temps et en tout lieu (Galanis, Mayol, Alier et García-Peñalvo, 2016). Pour ce qui nous concerne, nous mobilisons la conceptualisation théorique de Barron (2006) qui privilégie le continuum formel-informel pour approcher les usages numériques dans les contextes scolaire et extrascolaire.

Ces différentes considérations nous ont inspiré les deux questions suivantes : Quels sont les principaux défis à surmonter pour que l'apprentissage informel avec les technologies numériques soit davantage légitimé dans le contexte scolaire ? Quelles sont les caractéristiques de bonnes pratiques d'implantation d'une pédagogie qui permet la légitimation de cet apprentissage informel dans le contexte scolaire ?

Pour répondre à ces questions, nous avons procédé à une recension des écrits tant théoriques qu'empiriques dans différentes banques de données (Érudit, Cairn, ERIC, etc.) et certaines revues spécialisées par rapport au numérique en éducation (ex. Computers & Education, Oxford Review of Education, Learning, Culture and social interaction, etc.), de même que les banques de données dédiées aux thèses de doctorat (par exemple, ProQuestDissertations and Theses). Les écrits consultés se rapportent à la période 2010-2017. Les données sont présentement en cours d'analyse et les résultats seront présentés au colloque.

Notre communication s'inscrit dans l'axe « enjeux » car elle consiste à interroger une des questions vives au niveau des systèmes éducatifs contemporains, en l'occurrence la légitimité accordée à l'apprentissage informel induit par les technologies numériques dans le contexte scolaire. En outre, elle s'inscrit dans la dynamique d'enrichir l'approche sociocritique des usages du numérique en éducation qui tente notamment d'appréhender le rapport éducatif au numérique en englobant les contextes scolaire et extrascolaire des apprenants.

Barron, B. (2006). Interest and self-sustained learning as catalysts of development. A learning ecology perspective. Human development, 49(4), 193-224.

Deng, L., Connelly, J. & Lau, M. (2016). Interest-driven digital practices of secondary students: Cases of connected learning. Learning, Culture and Social Interaction, 9, 45-54.

Galanis, N., Mayol, E., Alier, M. & García-Peñalvo, F. J. (2016). Supporting, evaluating and validating informal learning. A social approach. Computers in Human Behavior, 55, 596-603.

Khaddage, F., Müller, W. & Flintoff, K. (2016). Advancing mobile learning in formal and informal settings via Mobile App Technology: where to from here, and how?Educational Technology & Society, 19(3), 16-27.



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