L'usage de la réalité virtuelle pour la formation apparaît dans tous les niveaux de la formation initiale et de la formation professionnelle continue. L'engagement des Gafas et l'émergence de solutions techniques à faible coût, comme les casques de réalité virtuelle, amplifient ce phénomène. Les médias spécialisés en éducation en font largement échos et des formations de formateurs comme à Laval Virtual University se mettent en place pour diffuser plus largement encore ces usages. Formateurs, enseignants et apprenants sont séduits par les capacités d'immersion et d'interaction des dispositifs de réalité virtuelle qui provoquent chez l'utilisateur un sentiment de présence dans un monde d'images numériques. Dès lors, l'outil est utilisé pour des visites virtuelles, des simulations ou des manipulations d'objets qui sont difficiles ou impossibles à reproduire concrètement en situation de formation. S'apparentant aux usages des jeux vidéos, le caractère de nouveauté, le potentiel ludique et les effets sensationnels de l'outil obtiennent l'adhésion et la satisfaction des utilisateurs en formation. Pourtant, il a été constaté en formation professionnelle que la compétence acquise par l'usage de l'outil n'était pas facilement transférable dans la situation concrète ciblée par la formation. Ce n'est plus le réalisme ou les caractéristiques de l'outil qui sont mis en causes mais l'usage de l'outil. Quels sont les usages qui favorisent efficacement l'acquisition de connaissances et compétences ? Quelles sont les conditions d'usages des dispositifs de réalité virtuelle favorables au transfert des connaissances et compétences acquises ? Nous nous intéressons ainsi aux usages permettant de former par le numérique et non aux usages permettant de former au numérique, dans le numérique ou avec le numérique.
Nous souhaitons par cette communication soumettre au débat critique une configuration d'un cadre théorique permettant d'observer et d'analyser ces usages et de questionner leurs pertinences et les conditions de leurs efficacités pour le processus d'apprentissage. Dans le cadre de nos recherches, nous considérons « le numérique » en tant qu'outil ou ensemble d'outils. Les dispositifs de réalité virtuelle constituent une catégorie de cet ensemble d'outils. Nous appréhendons les propriétés fonctionnelles de l'outil numérique en nous appuyant sur deux caractéristiques fondamentales du numérique : la digitalisation et l'automatisation algorithmique. Nous y ajoutons les propriétés fonctionnelles spécifiques des dispositifs de réalités virtuelles. Nous proposons alors d'analyser les usages des outils numériques à partir de la mobilisation de leurs propriétés fonctionnelles faite au cours de ces usages.
En définissant l'usage comme une activité répétée (d'une personne ou d'un groupe de personnes) mobilisant l'outil dans un même but nous situons notre cadre théorique dans le champ théorique de l'analyse de l'activité. Nous utilisons la modélisation de Pascal Béguin (2005) des simulations qui assemble le triangle de l'activité (sujet, outil, objet) avec le triangle pédagogique de Jean Houssay (sujet-apprenant, objet-savoir, autrui-enseignant). Nous pouvons alors catégoriser certains usages du numérique et des dispositifs de réalité virtuelle en particulier en fonction des buts poursuivis par les différents acteurs. Pour centrer nos analyses sur l'incidence des usages sur le processus d'apprentissage, nous introduisons une conception de l'apprentissage professionnel en alternance articulant de façon originale le cadre théorique de la didactique professionnelle (Pastré, 2011) avec le cadre épistémologique de Karl Popper (1982). Cela nous permet de positionner l'usage d'un dispositif de réalité virtuelle simulant l'activité professionnelle dans un « espace » de différents niveaux d'abstraction et de concrétisation dans lequel s'effectue le processus d'apprentissage. Le sujet y réalise une mise en relation des représentations qu'il construit avec ses représentations de la situation simulée et des situations similaires vécues. Le sujet apprend dans l'usage du dispositif en rendant présent à l'esprit la situation absente concrètement. Par analogie avec les formations en alternance que nous avons étudiées en mobilisant ce cadre théorique, nous considérons que l'apprentissage avec les dispositifs de réalité virtuelle s'effectue dans l'alternance de l'expérience vécue des situations concrètes faisant l'objet des simulations et de l'usage du dispositif de simulation. Dès lors, nous formulons des hypothèses de conditions à réunir pour que l'usage de dispositifs de réalité virtuelle facilite efficacement l'apprentissage. Ceci nous amène par exemple à considérer l'impact de l'usage de l'outil dans un cadre temporel qui dépasse en amont comme en aval le temps d'usage de l'outil proprement dit.
Nous illustrons nos propositions avec des exemples de dispositifs de réalité virtuelle pour la formation ou de démonstrateurs développés par les composantes du pôle réalité virtuelle de Laval. Nous concluons notre communication en considérant que certaines hypothèses peuvent être employées pour l'observation et l'analyse des usages de l'ensemble des outils numériques.