La communication, qui s'inscrit dans l'axe « enjeux », propose d'aborder l'émergence des universités virtuelles avec l'étude de cas de l'Université Virtuelle Africaine (UVA) dans le cadre théorique global de « l'industrialisation de l'éducation » telle que définie par les chercheurs du Séminaire Industrialisation de la Formation (SIF), et de l'évolution des objets techniques développée dans la pensée de Gilbert Simondon dans son ouvrage paru en 1958 « Du mode d'existence des objets techniques ».
D'abord présentée comme une start-up destinée à répondre à une demande insatisfaite en matière d'enseignement supérieur en Afrique subsaharienne, l'UVA est depuis 2003 et jusqu'à aujourd'hui (2017), présentée par la Banque mondiale comme une « organisation intergouvernementale indépendante dont le siège est à Nairobi au Kenya » qui compte, en 2003, 34 centres d'études répartis dans 17 pays africains et dont la Banque mondiale continue d'être le principal bailleur de fonds. Ainsi, grâce au financement de la Banque mondiale, l'Université Virtuelle Africaine (UVA) est lancée en 1997 dans 6 pays d'Afrique anglophone (Ethiopie, Ghana, Kenya, Ouganda, Tanzanie, Zimbabwe) et 5 pays francophones (Bénin, Burundi, Niger, Sénégal, Mauritanie) et se présente alors comme un ambitieux « projet d'éducation à distance basé sur le satellite » dont le modèle d'autofinancement est, à terme, basé sur les frais d'inscription à des formations dispensées exclusivement à distance et supportées par les TIC. En 2017, l'UVA est devenue le principal réseau panafricain en formation ouverte, à distance et eLearning (Open, Distance et e-Learning (ODeL)), constitué de 53 centres implantés dans les universités traditionnelles de 30 pays d'Afrique subsaharienne.
L'angle d'approche proposé permet d'observer l'introduction anticipée de la culture numérique dans l'enseignement supérieur en Afrique subsaharienne amenant à émettre l'hypothèse d'une utilitarisation des TIC par l'idéologie néolibérale. En effet, le mode de déploiement de l'UVA dans le contexte africain permet aussi d'observer l'affrontement, et in fine, l'hybridation des modèles d'enseignement supérieur anglo-saxon et humboltien qui, jusqu'ici, se différencient, entre autre, par le coût d'accès à la formation initiale assumé par les étudiants.
La pensée de G. Simondon concernant l'évolution des objets techniques permet ensuite de saisir de façon originale le sens de la démarche et de l'anticipation dont elle a fait l'objet, notamment avec le concept d' « hypertélie » proposé par l'auteur, c'est-à-dire qu'il y a survalorisation d'un objet technique dans un milieu désadapté à son fonctionnement. Dans cette perspective, la participation des TIC à la construction d'un marché de l'enseignement supérieur en Afrique subsaharienne est mise en évidence, ainsi que les transformations institutionnelles induites et orientées vers l'hybridation de la formation initiale et des universités publiques.
Par ailleurs, comme en témoignent le débat des années 2000 sur les universités virtuelles ainsi que le développement de l'UVA, les universités virtuelles sont vectrices de transformations du métier d'Enseignant-Chercheur, notamment de la fragmentation du rôle de l'enseignant entre celui qui produit les contenus et celui qui les délivre (le tuteur). L'implantation de l'UVA au sein des universités traditionnelles ainsi que l'hybridation de la formation initiale, tant traditionnelle qu'à distance, comme en témoigne le cas de l'Université Virtuelle du Sénégal (UVS), amène ainsi l'enseignement à distance à devenir une modalité pédagogique plutôt qu'un système d'enseignement parallèle. Toutefois, la formation des enseignants étant au cœur de l'activité de l'UVA, c'est l'ensemble du métier d'enseignant, tous niveaux confondus, qui est redéfini de façon normative et travaillé par l'introduction des TIC dans l'enseignement telle qu'elle est portée par le développement des universités virtuelles comme en témoigne le cas de l'UVA mais aussi de l'Université virtuelle Panafricaine (UPA) lancée en 2012 par l'Union Africaine.
La communication s'appuie sur l'exploitation de la littérature grise disponible depuis le lancement de l'Université virtuelle Panafricaine (UPA, 2012), de l'Université Virtuelle du Sénégal (UVS, 2013) et de l'Université Virtuelle Africaine (UVA, 1997), ainsi que sur deux thèses de doctorats portant spécifiquement sur l'UVA, celle de P.-J. Loiret soutenue en 2007 et celle d'A. Fournier Fall soutenue en 2006, auxquelles d'ajoute celle d'N. NDIAYE soutenue en 2011 concernant les TIC et l'enseignement à distance dans un environnement de massification des effectifs d'étudiants au Sénégal. Cette présentation correspondant au travail mené dans le cadre d'un doctorat, cet ensemble de documents a été complété par des corpus, non présentés ici, d'articles scientifiques, de thèses portant sur l'usage des TICE en Afrique, sur l'enseignement à distance et sur l'internationalisation de l'enseignement supérieur européen. Des entretiens semi-directifs viennent renforcer et compléter ce corpus de documents.
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